10 ans de dialogue École-Entreprise

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10 ans de dialogue École-Entreprise

Pour fêter ses 10 ans, la Fondation pour l’Enseignement a marqué le coup d’un colloque riche en contenus et rythmé. Celui-ci s’est déroulé le 28 juin dernier, dans l’auditorium de BNP Paribas-Fortis, à Bruxelles. Les discours, débats et présentations portaient sur les relations École-Entreprise, et plus particulièrement sur les dossiers les plus actuels liés à la mise en place du Pacte pour un Enseignement d’excellence de la Fédération Wallonie-Bruxelles : l’informatisation des écoles, l’orientation aux métiers, la réforme du parcours d’enseignement qualifiant (et de la formation en alternance) ou encore les enseignants de seconde carrière. Retour sur les discours et interactions. 

  • « Encore beaucoup de courage et d’efforts », Thierry Castagne, Président de la Fondation pour l’Enseignement (FPE) ( next_plan cliquez ici)
  • « Contribuer à façonner un système éducatif adapté aux défis du XXIe siècle », Philippe Bertin, président de la commission Enseignement-Formation-Emploi de l’Union wallonne des entreprises (UWE) et président d'EPM-Formations ( next_plan cliquez ici)
  • Finlande : un parcours d'apprentissage individuel dans le cadre d’une coopération École-Entreprise, Professeure Heta Rintala, Université de sciences appliquées de Hämeenlinna ( next_plan cliquez ici)
  • Café citoyen : orientation, carrières et numérique éducatif, Pierre-Yves Jeholet, ministre-président et Frédéric Delcor, secrétaire général de la Fédération Wallonie-Bruxelles, à la rencontre d’acteurs : Laurence de Broqueville, coordinatrice du projet Story-me au centre scolaire Saint-Adrien de Val-Duchesse, Sébastien Constantino, senior manager Public Sector & Public Affairs Wallonia chez Randstad Group, et Jean-Baptiste Van Zeebroeck, directeur du Campus numérique de l’enseignement provincial du Hainaut ( next_plan cliquez ici)
  • « Ensemble, nous semons des graines pour construite l’avenir » - « Des projets en plein développement au bénéfice des élèves », Olivier Remels, administrateur délégué de la Fondation pour l’Enseignement ( next_plan cliquez ici)

« Encore beaucoup de courage et d’efforts »

Un discours présidentiel tourné vers l’avenir. Thierry Castagne, président de la Fondation pour l’Enseignement, a remercié et galvanisé les partenaires de la Fondation en vue de la prochaine législature, qui s’annonce cruciale pour la mise en place des réformes du Pacte pour un Enseignement d’excellence.

Après un accueil chaleureux par Anne-France Simon, responsable Diversité et Inclusion sociale chez BNP Paribas-Fortis, qui a rappelé le soutien indéfectible du groupe bancaire à l’action de la Fondation pour l’Enseignement (FPE),  Thierry Castagne a commencé par rappeler l’urgence de la situation: le taux d’échec, le décrochage scolaire, le chômage des jeunes, les nombreux métiers en pénurie…  Autant d’arguments et de constats qui motivent la FPE à poursuivre sa mission : contribuer, par l’intermédiaire d’un dialogue École-Entreprise constructif, à améliorer la qualité de notre enseignement, des savoirs de base, des compétences transversales et de l’éducation aux métiers dans l’enseignement francophone.

Dans ce contexte, il a rappelé les 4 priorités du plan d’actions 2023-25 de la FPE, à savoir l’orientation positive, la formation aux métiers, la mobilité professionnelle (pour pallier les pénuries d’enseignants) et le numérique éducatif. Quatre priorités qui correspondent aux défis que les acteurs de l’enseignement devront relever dans la suite de la mise en place du Pacte pour un Enseignement d’excellence.

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Les synergies indispensables

« Car réussir la réforme du qualifiant et de l’alternance – on se souvient qu’aujourd’hui, à peine 7 % des élèves de l’enseignement qualifiant sont concernés par la formation en alternance – et optimiser les moyens publics en soutien de l’éducation et de la formation aux métiers, nécessitera encore beaucoup de courage et d’efforts pour créer partout où cela est possible des synergies indispensables, et cela dans une situation budgétaire tendue. La prochaine législature sera sans doute capitale pour poursuivre la trajectoire décidée dans le Pacte d’excellence, et apporter les innovations, les changements et les synergies nécessaires en prolongement de celui-ci. »

Il s’est évidemment réjoui du chemin parcouru depuis 2013 et des avancées « très significatives » accomplies ensemble en 10 ans.

Fondation pour l'Enseignement
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Contribuer à façonner un système éducatif adapté aux défis du XXIe siècle

Prenant la parole au nom des entreprises, Philippe Bertin, président de la commission Enseignement-Formation-Emploi de l’Union wallonne des entreprises (un des membres fondateurs) et président d'EPM-Formations, a réaffirmé la foi des secteurs industriels et des entreprises en la mission menée par la Fondation pour l’Enseignement.

Philippe Bertin jette un éclairage sur le triple rôle que la FPE a joué au cours des 10 dernières années dans le domaine de l’éducation : catalyseur de changement, facilitateur de collaborations et agent de progrès.

Un rôle reposant sur trois axes d’action : les synergies, l’expertise et la collaboration. Synergies, car la FPE a favorisé une meilleure compréhension École-Entreprise, sensibilisant l’un aux difficultés affrontées par l’autre. Expertise, car la FPE alimente les réflexions de l’UWE sur les problématiques de l’enseignement et de la formation. Collaboration, enfin, car la pertinence du travail de la FPE a ouvert une porte qui permet à l’Entreprise de collaborer très concrètement à l’évolution de l’enseignement francophone.

« Grâce aux travaux menés au sein de la FPE, illustre Philippe Bertin, les secteurs ont pu nourrir les nouveaux référentiels, dont notamment ceux ayant trait aux formations manuelles, techniques et numériques. La FPE est également partie prenante à la stratégie STEM développée, entre autres, par l’UWE et ses membres en amenant la réflexion au regard des objectifs pédagogiques en matière d’éducation orientante et aux missions de l’école. »

L’enseignement au cœur des transitions sociétales

Philippe Bertin a tenu ensuite à énumérer les raison qui rendent précieuse la mission de la FPE pour l’avenir de la Belgique francophone.

« Car nous avons la conviction que les enjeux socio-économiques de la Wallonie vont de pair avec le niveau d’éducation, poursuit-il : toutes les entreprises soulèvent l’importance des qualités individuelles pour leur développement propre et pour celui de la Wallonie. 

« Car avec un million d’élèves et 110 000 professionnels de l’éducation, l’enseignement est au cœur des transitions environnementales, numériques et technologiques : pour que le changement soit structurel, il est impératif de travailler au départ des écoles et des adultes de demain. 

« Car le Pacte pour un Enseignement d’excellence et ses acteurs sont indispensables à la concrétisation de ce changement, dont nous devons contribuer à la réussite. 

« Car notre lien avec l’enseignement est crucial aussi pour la révision des parcours de formation et pour les transitions vers l’emploi et les filières d’études. 

« Et car le cheval de bataille de l’UWE reste l’orientation positive et les compétences transversales, comme le numérique et les soft skills. »

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Finlande : un parcours d'apprentissage individuel dans le cadre d’une coopération École-Entreprise

La professeure Heta Rintala, de l’Université de sciences appliquées de Hämeenlinna, est venue tout droit de Finlande pour brosser le tableau de la récente réforme de l’enseignement qualifiant dans son pays. À la clef : financement modulable et alternance École-Entreprise.

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En matière d’enseignement professionnel, le programme 2023 du gouvernement finlandais est clair : « Nous renforcerons encore la coopération entre l'enseignement et la formation professionnels, d'une part, et les entreprises et l'industrie, d'autre part, pour faire en sorte que l'enseignement et la formation professionnels répondent mieux aux besoins de la vie professionnelle. »

« En Finlande, l’enseignement qualifiant est communal, chaque école appartenant à une commune ou à un groupement de communes, explique Heta Rintala. L’État et ses administrations s’occupent du cadre et des normes de qualification, ainsi que d’une partie du financement, qui est partagé avec les communes. De leur côté, les écoles bénéficient d’une très large autonomie, de même que les élèves. »

Autonomie organisationnelle

Les écoles professionnelles décident en effet elles-mêmes, en fonction du contexte local, de la manière d'organiser leurs formations et de faire correspondre leur offre d’options aux besoins du marché du travail.

Quant aux étudiants, ils progressent dans leur apprentissage selon un programme individuel d’acquisition de compétences, défini en concertation avec un professeur et un représentant du monde professionnel. Il n’y a plus de notion d’année d’étude ou de programme figé: l’étudiant commence son parcours de manière flexible tout au long de l'année, passant à son rythme d’un module de formation à l’autre.

Pour chaque module de formation, l’acquisition d’une compétence doit être démontrée par l'exécution de la tâche qui lui est associée, dans un contexte de travail réel. Cette démonstration est évaluée par deux examinateurs : un enseignant représentant l'école et un professionnel représentant le monde du travail.

Il faut préciser que ces écoles et ces parcours modulaires s’inscrivent dans le cadre d’un apprentissage tout au long de la vie, et s’adressent de la même manière et selon les mêmes modalités à des élèves adolescents ou à des travailleurs adultes (en conversion professionnelle, par exemple).

Dans le cadre de son autonomie, l’école a également la possibilité de développer des activités de centre de formation et de proposer ses services aux entreprises, comme la formation de formateurs, la création de modules de formation hors qualification qui correspondent à une spécificité de l’entreprise demandeuse ou même des services de recrutement.

Un système de financement avec variables

Pour encourager les écoles à développer les parcours d’apprentissage les plus qualitatifs et en phase avec les exigences des entreprises embaucheuses, l’État a développé un nouveau système de financement. 

Le nombre d’élèves ne concerne plus que 70 % de la subsidiation. Celle-ci est également basée sur deux autres critères : la performance des apprentissages (le nombre de modules suivis avec succès et le nombre de qualifications obtenues) et l’efficacité des apprentissages (le nombre de diplômés ayant obtenu un emploi ou ayant poursuivi leurs études dans l’enseignement supérieur).

Pour une transparence parfaite, les données relatives à la performance et à l’efficacité des apprentissages font l’objet d’une collecte rigoureuse et en temps réel par l’Agence finlandaise de l’éducation, d’un retour immédiat vers les écoles et vers les entreprises coopérantes et d’une publication transparente par le Service national des statistiques. 

La formation en alternance devient la règle

Il existe deux formes d'apprentissage en milieu professionnel. La première est lorsque l’étudiant (avec un statut d’étudiant) fait l’objet d’une convention de formation entre l’école et l’entreprise pour l’acquisition d’une ou plusieurs compétences en milieu professionnel. La seconde est l’apprentissage proprement dit, lorsque l’entreprise engage un travailleur (avec un statut de travailleur rétribué) qu’elle forme avec le soutien de l’école.

Ces modes de formation en alternance peuvent être combinés de manière flexible : la transition vers l'apprentissage est particulièrement encouragée dans les secteurs où il y a des pénuries de travailleurs ; la formation par convention peut être utilisée comme « préapprentissage », pour garantir et évaluer si l'étudiant a le potentiel d’entrer en apprentissage.

Tout cela se met en place avec des modification dans le temps de travail des enseignants, qui doivent d’une part, s’engager dans un programme de formation continue et qui, d’autre part, bénéficient de crédits d’heures pour les tâches corrélatives qu’ils doivent couvrir, comme les visites sur le lieu de travail, l’orientation des étudiants, les réunions, etc.

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Café citoyen : orientation, carrières et numérique éducatif

Pièce centrale au menu du 10e anniversaire de la FPE, un café citoyen a soumis Pierre-Yves Jeholet, ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et Frédéric Delcor, secrétaire général de la même Fédération, aux questions de plusieurs acteurs de l’enseignement. Au programme : l’orientation positive, les carrières, l’informatisation et la coopération avec les régions.

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Un coordinateur d’orientation dans chaque école ? 

Premier thème abordé : l’orientation aux métiers, plus précisément son organisation au sein des écoles. Laurence de Broqueville fait part de son expérience de coordinatrice du projet Story-me au centre scolaire Saint-Adrien de Val-Duchesse. Après avoir évoqué la pertinence de Story-me en matière d’orientation, elle demande s’il ne serait pas intéressant d’avoir un coordinateur d’orientation dans chaque école, rétribué dans le cadre des NTPP.

Pierre-Yves Jeholet, ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, reconnaît la nécessité de préparer l’élève au choix de son orientation, à la fin du tronc commun. Il présente les mesures prévues dans le cadre de la mise en place du tronc commun : pour l’élève, quatre semaines d’orientation à répartir sur les 3 années du secondaire ; pour les enseignants, une formation au 8e domaine d’apprentissage transversal, « Apprendre à s’orienter ».

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« Par rapport aux NTPP (lisez : les heures de cours financées), c’est un vrai débat, poursuit le Ministre-Président. Depuis des dizaine d’années, les mesures prises dans l’enseignement se font par rapport aux normes d’encadrement, qui ont été augmentées, améliorées. Actuellement, on me demande des référents pour le numérique. Or, ça existe déjà : il y a des périodes complémentaires, qui permettent de décharger les enseignants d’un certain nombre d’heures de cours pour leur permettre de s’occuper de tâches multithématiques, comme le numérique, la remédiation, l’aide à la direction et aussi l’orientation... Il faut tenir compte du fait qu’en raison de la situation financière, on ne peut pas structurellement multiplier les NTPP. Les moyens de la Fédération Wallonie-Bruxelles sont ce qu’ils sont, et le débat portera davantage sur la manière de revoir nos normes d’encadrement à la baisse, que de les augmenter. »

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Frédéric Delcor, secrétaire général de la Fédération Wallonie-Bruxelles, plaide quant à lui aussi pour une meilleure utilisation des ressources disponibles, telle qu’envisagée dans la réforme du qualifiant : mieux orienter les moyens, notamment en fonction des métiers en pénurie et les rationaliser dans une offre d’options groupée au niveau de chaque bassin.

Plus de souplesse dans les carrières ?

Le second thème est celui de la perméabilité des carrières entre l’École et l’Entreprise. Sébastien Constantino, senior manager Public Sector & Public Affairs Wallonia chez Randstad Group, aborde la problématique de l’attractivité de l’enseignement en tant que seconde carrière. Il veut savoir si le métier d’enseignant pourra dans l’avenir s’envisager avec des flexi-jobs, du travail intérimaire et la semaine de 4 jours, comme cela se pratique dans d’autres pays européens.

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« Flexi-Jobs, j’y suis assez favorable, lui répond Pierre-Yves Jeholet. Le travail intérimaire, j’y suis tout à fait favorable dans toute la fonction publique, mais c’est impossible de l’aborder avec les organisations syndicales de l’enseignement… Par rapport à la semaine de 4 jours, attention ! C’est l’apprentissage de l’enfant qui, pour moi, doit guider toute réforme. Et je ne voudrais pas que la semaine de 4 jours soit davantage une mesure pour les enseignants que pour les enfants. Nous avons réformé les rythmes scolaire sur l’année ; eh bien j’espère qu’un des objectifs du prochain gouvernement sera de les réformer sur la journée. À nouveau sans tabou. La lutte contre les inégalités scolaires implique peut-être que l’enfant se trouve à l’école de 8h30 à 17h30, en bénéficiant d’activités culturelles, sportives et citoyennes. C’est un débat ambitieux. »

Mais pour renforcer l’attractivité du métier d’enseignant, le ministre-président estime qu’il faut s’attaquer à d’autres critères, plus fondamentaux : « Ce sont des mesures comme la rénovation des bâtiments, l’encadrement des jeunes instituteurs et professeurs, l’évaluation des enseignants et l’éloignement de la pression extérieure, notamment celle des parents, qui rendront la confiance aux enseignants et la noblesse au métier. Ce sont des mesures qui auront plus d’impact structurel que des mesures comme les flexi-jobs, la semaine de 4 jours ou le travail intérimaire. Je n’ai pas de problème pour discuter de telles mesures – je n’ai pas de tabou quand je discute d’enseignement –, mais aujourd’hui en tout cas, le secteur n’est pas mûr pour aller dans ce sens-là. » 

Il est aussi question de salaire, notamment de la valorisation pécuniaire de l’ancienneté pour les enseignants de seconde carrière. Alors que des mesures ont été prises pour mieux rémunérer les nouveaux professeurs de langue (valorisant jusqu’à maximum 5 ans d’ancienneté), ceux qui embrassent une nouvelle carrière dans l’enseignement d’autres matières doivent accepter d’être payés comme s’ils sortaient des études (sauf pour les enseignants de pratiques professionnelles).

Les deux représentants de la Fédération Wallonie-Bruxelles affirment que la mesure en faveur des professeurs de langues n’est qu’une première étape et qu’une rétribution plus juste de l’expérience acquise en entreprise doit être envisagée, ce qui nécessitera immanquablement des arbitrages budgétaires : « On peut faire énormément de choses pour essayer de retenir le plus possible les jeunes enseignants et ceux qui franchissent le pas en seconde carrière, poursuit Frédéric Delcor, mais on doit aussi être dans la perméabilité et la valorisation de l’ancienneté. Il faut s’attaquer à cette question. Même si ça coûte et même s’il faudra compenser. Mais travailler avec des enseignants de seconde carrière qui ont acquis de l’expertise ailleurs et les rémunérer comme s’ils sortaient de l’école, ça n’a aucun sens. C’est une condition sine qua non qu’on doit attaquer. »

Rebondissant sur cette problématique de la rémunération des transfuges du secteur privé, Pierre-Yves Jeholet s’attarde sur les freins au rapprochement École-Entreprise :

« Quand on vient avec des mesures pour valoriser l’expérience acquise en entreprise, il y en a qui ne sont pas d’accord. Y compris dans le monde de l’enseignement. Y compris dans le monde politique. Il va falloir se battre pour changer les mentalités. Notamment, demain, dans le cadre de la réforme de la formation en alternance, qui va exiger une réelle collaboration École-Entreprise. Ce sera le grand objectif du futur gouvernement, un objectif sur lequel nous avons déjà commencé à travailler sur la base du remarquable rapport d’Agir pour l’enseignement. J’espère qu’on va aller plus loin dans les mois à venir pour que le prochain gouvernement puisse vraiment avancer, autrement que par des mesurettes… Mais tout le monde doit jouer le jeu ! Y compris les entreprises. Aujourd’hui, il y a des jeunes qui rament pour trouver un stage. Et ça, ce n’est pas normal. Il faut qu’on oublie les tabous et que tout le monde soit disposé à travailler en décloisonnant. »

Informatiser l’école en dépit de la fracture numérique ?

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Le troisième thème est celui de l’informatisation des écoles. Jean-Baptiste Van Zeebroeck, directeur du Campus numérique de l’enseignement provincial du Hainaut, évoque l’immense bon en avant favorisé par le confinement de 2020-21. L’informatisation de l’enseignement a été portée par beaucoup d’initiatives individuelles, mais a été soutenue et pérennisée par l’administration de l’enseignement (N.B : notamment par le soutien de la FWB à l’acquisition des équipements individuels dans le secondaire). Sa question porte sur la continuité de ce soutien, dans la perspective d’un enseignement gratuit.

« La crise sanitaire nous a fait ‘gagner’ 4 ou 5 ans, peut-être même 10, lui répond Pierre-Yves Jeholet. Parce que des écoles ont pris des responsabilités, mais aussi parce que le gouvernement en a prises. Nous avons dégagé 9 millions pour que les écoles puissent investir en portables, en tablettes. Et il y a eu un deuxième volet, pour aider les parents à acquérir du matériel. Et là, EducIT* a été un soutien très important. Le modèle mis en place – un appareil pour un élève –,n’a pas toujours été facile à défendre au sein du gouvernement. Mais voilà : avec bon sens, nous nous sommes appuyés sur un savoir-faire. Et aujourd’hui, c’est 150 € d’aide aux parents par enfant. Ce sont des mesures importantes qu’on a rendues pérennes et structurelles. Et il y a un fonds de solidarité pour les parents pour lesquels l’aide ne suffit pas, ainsi que pour les écoles qui voudraient avoir du matériel à mettre à disposition des enfants dans le besoin. Maintenant, la crise sanitaire étant derrière nous, l’important est de continuer à avancer, avec toutes les écoles, y compris celles pour qui cela a été plus difficile. »

*l’ asbl EducIT a développé dès 2020 une action-pilote coordonnée avec la FPE pour tester et mettre à l’échelle le modèle « 1 élève- 1 Laptop » dans les différents réseaux d’enseignement, avec le soutien de plusieurs partenaires dont la Fondation Roi Baudouin qui a soutenu son évaluation par l’Université de Liège.

Interpellé sur les actions non concertées de la Fédération Wallonie-Bruxelles et des régions en matière d’équipement informatique des écoles, le ministre-président s’est montré rassurant : « Notre accord de coopération avec les régions est aujourd’hui obsolète, explique Pierre-Yves Jeholet. Le nouvel accord avance, notamment par rapport au matériel informatique et à la connectivité des écoles, interne et externe. Et donc, la Fédération Wallonie-Bruxelles, avec un budget de 5 millions €, s’occupera de la connectivité externe (amener la fibre devant les écoles), et la Région Wallonne s’occupera de la connectivité interne (amener le wifi dans toutes les classes). Et ça, c’est une bonne nouvelle... »

Frédéric Delcor poursuit sur ce thème en élargissant son propos à l’ensemble des enjeux de la collaboration communautés-régions en matière d’enseignement : « Le carcan budgétaire étant ce qu’il est, ça devient de plus en plus insupportable de voir le manque de cohérence entre ce que font les régions et ce que fait la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le domaine du numérique éducatif, mais aussi en matière de formation et d’alternance. Si je dois formuler un vœu par rapport à la législature prochaine, c’est qu’on mette en place une gouvernance commune suffisamment forte pour relever ces défis qui sont à cheval entre les compétences régionales et communautaires, comme on a mis les moyens au niveau du Pacte d’Excellence. Il faut une gouvernance des processus de pilotage qui permette de réellement concrétiser les choses, comme cela a été le cas pour le Pacte d’Excellence. »

Quelles valeurs à l’école ? 

Le ministre-président P.-Y. Jeholet a tenu à conclure ses interventions d’une part en formulant le vœu que le prochain gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles fasse preuve de la même loyauté que le sien par rapport à la continuité de la mise en œuvre du Pacte pour un Enseignement d’excellence, et d’autre part en évoquant l’importance à ses yeux de la réhabilitation de certaines valeurs à l’école. 

« On peut mettre en place toutes les réformes qu’on veut, si on n’en revient pas à certaines valeurs dans l’école, ce sera compliqué, déclare-t-il. Aujourd’hui, il y a une déresponsabilisation de certains parents, qui délèguent tous les problèmes d’éducation des enfants sur l’école. Et ça, ça ne va pas. Il faut redonner confiance aux enseignants, et ça passe par les valeurs de respect et d’autorité. Il faut rappeler aussi que l’école, c’est le travail, le mérite, l’effort. L’égalité scolaire, c’est quoi ? C’est donner à tous les enfants les mêmes chances de réussir leur parcours scolaire, y compris en donnant plus d’attention aux enfants qui partent avec plus de difficultés. Mais à un moment donné, la bienveillance ne peut pas être la règle. »

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Fondation pour l'Enseignement

« Ensemble, nous semons des graines pour construire l’avenir » 

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Discours-programme que celui d’Olivier Remels, administrateur délégué de la Fondation pour l’Enseignement. Il a dressé le tableau des enjeux et des projets qui attendent la Fondation dans les mois à venir.

La mise en œuvre du Pacte pour un Enseignement d’excellence poursuit sa progression. Pour Olivier Remels, administrateur délégué de la Fondation pour l’enseignement (FPE), les réformes arrivent même à un point crucial, puisque les prochains mois seront, entre autres, consacrés à remodeler l’enseignement qualifiant et la formation en alternance.

« J’ai ainsi l’honneur de participer pour quelques mois, avec les acteurs de l’enseignement et des experts externes, aux travaux du groupe de travail « Post-tronc commun », explique-t-il. Au programme : le cadre d’apprentissage, les référentiels, l’évaluation, la transition entre le tronc commun et les parcours de transition et de qualification, la certification de fin du secondaire et les réformes des structures post-tronc commun, tant pour les filières de transition que de qualification. Du grain à moudre avec les acteurs, où j’apporterai des éléments de préoccupations légitimes et de collaboration École-Entreprise... en lien avec les réflexions de nos parties prenantes. »

Réforme du qualifiant : les enjeux

Olivier Remels décrit ensuite quelques enjeux dont la FPE compte se saisir dans le cadre de la proche réforme du qualifiant, de manière à y insuffler une vision coconstruite avec ses parties prenantes :

  • l’orientation positive (une condition de base pour la qualité de tout ce qui suit) ;
  • le repositionnement de l’alternance comme une modalité d’apprentissage adaptée aux besoins des métiers, faisant la part belle à l’innovation et adossée à des synergies entre les acteurs enseignement-formation-emploi ;
  • la fluidité des données et leur accès partagé pour toutes les parties prenantes (une nécessité pour objectiver, orienter et accompagner les transitions) ; 
  • la formation continue des enseignants du qualifiant, pour qu’ils soient en phase avec l’évolution des métiers qu’ils enseignent, à amplifier ;
  • une révision des accords de coopération (numérique, centres de formation, orientation) entre la Fédération Wallonie-Bruxelles et les régions, pour renforcer les acteurs francophones ;
  • le rôle accru des secteurs industriels et des entreprises auprès de l’École, pour élaborer en confiance des profils métiers simplifiés et pour copiloter les offres d’options ;
  • la prise en compte des défis du numérique et de l’intelligence artificielle au cœur des contenus et des méthodes pédagogiques ;
  • une gouvernance modernisée, qui intègre les enjeux du développement personnel et des carrières ;
  • l’attractivité du métier d’enseignant, pour pallier la pénurie de vocations, qui risque de compromettre les réformes, notamment en favorisant la mobilité professionnelle. 

Des projets en plein développement au bénéfice des élèves

Au rayon des projets, la FPE poursuivra plus que jamais ceux qu’elle a entamés, afin que l’expérience et les enseignements qu’ils ont apportés puissent être intégrés et généralisés dans l’École, d’une manière ou d’une autre. Quelques exemples.

« La démarche Story-me, en cours d’évaluation, fera l’objet d’évolutions pour la période 2024-27, explique Olivier Remels, tant dans ses objectifs et modalités que dans sa diffusion géographique, en prenant aussi davantage la mesure des enjeux STEM, afin de continuer à nourrir les réflexions sur ces aspects de l’éducation orientante, au cœur du tronc commun. » 

Pour complément au projet Story-me, la FPE a proposé le projet STEAMule dans le cadre du plan de relance wallon, qui a entretemps été validé. Ce projet multi-partenariat visant à déconstruire les stéréotypes (notamment de genre) liés aux métiers fédère 4 grands secteurs (Industries technologique, de la transformation alimentaire, de la construction et chimique en Wallonie) et les fédérations de pouvoirs organisateurs/Wallonie-Bruxelles Enseignement pour développer la découverte des métiers en 1ère et 2e années de l’enseignement secondaire, en préparation de l’arrivée du nouveau tronc commun. Il sera évalué par l’Université de Namur et mis en œuvre durant l’année scolaire 2023-2024 avec 4 établissements scolaires, dont 320 élèves pourront bénéficier du parcours d’activités intersectorielles proposé. 

Du côté d’Entr’apprendre, le succès auprès des secteurs partenaires incite désormais la FPE à travailler à la pérennisation de ce projet en vue de son intégration pleine et entière au système d’enseignement (lire aussi ici :lien vers article EA)

En matière de mobilité professionnelle, la FPE a soutenu la campagne de communication de la FWB visant à revaloriser le métier d’enseignants, en présentant de son côté sur les réseaux sociaux des témoignages d’enseignants en reconversion, récoltés en partenariat avec Randstad Group, outre sa contribution concrète en 2022-23 aux réflexions du Gouvernement de la FWB au sujet des enseignants de seconde carrière. Des réflexions et actions qui se poursuivront en 2023-24.

Enfin, le projet  Q-Trio d’éducation « triale » aux métiers d’électromécanicien.ne et de maçon.ne, deux métiers en pénurie, est à présent en phase de lancement, grâce au soutien apporté via le plan de relance wallon (projet visant à améliorer les coopérations des centres de compétences avec l’enseignement en électromécanique dans deux provinces Liège et Hainaut). Nous avons initiéun travail préparatoire avec les acteurs pour expérimenter des parcours innovants, qui resteront bien sous le contrôle et la certification de l’École, mais avec une meilleure formalisation de la répartition et de la mutualisation déjà pratiquées par les acteurs (notamment sur les équipements) entre écoles, entreprises et centres de formation, afin d’optimiser les parcours. Olivier Remels : « Ceci pour répondre notamment à un objectif de qualité et d’excellence, là où ces métiers évoluent vite et où il devient très difficile d’attirer les vocations et de disposer de toutes les réponses formatives au même endroit. »

Les conditions de base du succès pour chaque jeune

Après avoir annoncé la mise en ligne du nouveau site web de la FPE, et remercié les animateurs d’EducIT, Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophem, pour la collaboration (couronnée de succès !) dans les « rentrées numériques » (équipement « 1 élève – 1 laptop » et formation/accompagnement des enseignants) éducatives, l’administrateur délégué a conclu son intervention par un appel à poursuivre le travail en commun.

« Ensemble, nous semons des graines pour construite l’avenir, déclare Olivier Remels. Une métaphore à portée symbolique quant aux enjeux, au contexte, au travail mené en commun, mais aussi aux solutions qui émergent de l’intelligence collective, grâce à vous toutes et tous. L’école est LE lieu pour semer les conditions de base du succès pour chaque jeune, mais aussi pour chaque acteur économique, sans opposer, mais plutôt en se renforçant mutuellement, au bénéfice de l’épanouissement personnel et de l’insertion socioprofessionnelle de tous les jeunes. »